« La bourse ou la vie ! » 

26 juin 2021

Edito 1244/2021 - Dimanche 27 juin - 13e dimanche ordinaire

« L’Amazonie vaut-elle Amazon ? »

 

La Bourse de Paris vient d’atteindre un niveau record de 6 500 points. Elle est montée de 17 % depuis le début de l’année. « Il souffle un vent d’optimisme », nous disent les experts. Mais alors, c’est le vent qui mesure la valeur ? La valeur, c’est du vent ? On a du mal à comprendre. Qu’est-ce qui fait la côte d’une entreprise ? Sur quoi repose-t-elle ?

Prenons un exemple encore plus parlant, l’Amazonie et Amazon. D’un côté, l’un des derniers poumons du monde. Et de l’autre, l’entreprise fondée par Jeff Bezos. La valorisation actuelle d’Amazon, c’est 1 600 millions de dollars. Cette valeur repose sur un jugement spéculatif mais qui se veut rationnel. Le marché anticipe : cette société sera profitable, de plus en plus profitable, et sur le long terme. Ce calcul ne tient pas compte des librairies qui ferment, des employés sous-payés et des entrepôts qui détruisent des surfaces agricoles.

Mais l’Amazonie, la région, combien vaut-elle ? D’un point de vue boursier, évidemment, la forêt primaire ne vaut pas un dollar. Pire : elle ne peut être valorisée qu’à mesure qu’elle est détruite. Ce qui aura de la valeur, c’est l’exploitation minière, les plantations de soja ou l’industrie du bois. Ce qui n’a pas de valeur, c’est la biodiversité, la sagesse des peuples premiers qui y vivent, et le rôle régulateur de cette forêt pour le climat. Autrement dit, LA valeur, celle de la Bourse, l’emporte sur LES valeurs, celles de l’humanité. Comme disait à peu près Oscar Wilde, quand tout a une valeur, plus rien n’a vraiment de valeur.

D’où vient ce débat ?

Toutes ces questions sont sur la table depuis un bout de temps. Le fait nouveau, c’est qu’un banquier les pose. Et pas n’importe quel banquier. Quelqu’un qui connaît le système à la fois de l’intérieur du pouvoir et du sommet de la finance. Cet homme s’appelle Mark Carney. Il a dirigé la banque centrale du Canada, puis – fait rarissime – celle du Royaume-Uni. Pendant des années, il a donc été l’un des grands argentiers du G7. Il a assisté à deux grandes crises : la crise financière de 2008 et la crise populiste qui a conduit au Brexit. Certains médias anglo-saxons disent qu’il était alors « le seul adulte dans la pièce ». Aujourd’hui, Mark Carney s’est converti, ou reconverti, et il commence à proposer des solutions. Il est l’envoyé spécial de l’ONU pour le financement de l’action climatique. Il veut faire de l’économie un levier pour réparer ce que l’économie a fracassé. Value(s), le livre qu’il vient de publier, a suscité un vrai engouement de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique. Il n’est pas encore traduit, mais L’AntiÉditorial se l’est procuré (pas sur Amazon, dans une vraie librairie) et l’a lu.

Suite de l’article « AntiÉditorial » : www.lantieditorial.fr

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