Seigneur ! Je t’aime !

15 janvier 2023

Seigneur ! Je t’aime !

Ces paroles sont les dernières du pape Benoît XVI, selon la confidence de ceux qui l’ont entouré jusqu’à son dernier souffle. Leur simplicité évoque en moi, irrésistiblement, le sentiment que j’ai éprouvé lorsqu’en pèlerinage avec le séminaire, nous étions reçus par celui qui était alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Joseph Ratzinger. Nous étions tous impressionnés par cette rencontre, et cependant, ce qui m’a marqué c’est la simplicité et modestie de ce moment, l’intelligence vive et bienveillante de ce théologien, la délicatesse et la ferveur de l’homme de foi et du prêtre.

Seigneur ! Je t’aime ! ces paroles expriment avec une simplicité saisissante, le travail et l’œuvre de celui qui fut plus qu’un intellectuel – il ne serait pas juste de le réduire à cela - du professeur, du théologien, du prêtre, de l’homme de foi. Il a cherché le Christ, son Seigneur, celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie », mettant son intelligence et ses connaissances au service de la foi. Sa pensée, exprimée clairement, simplement, de manière cohérente et pédagogique, a marqué et marquera les esprits et les cœurs. Bien sûr, son travail a servi sa foi, pour la nourrir, l’affermir et lui permettre de grandir, mais son soucis était aussi de transmettre, d’enseigner, de conduire. Il ne s’agissait pas de transmettre une doctrine, une connaissance, mais de permettre à chacun d’entrer pleinement dans l’intelligence de la foi, qui conduit non seulement de comprendre et de rendre compte de cette foi, mais aussi de connaître, aimer et de témoigner du Christ Seigneur et Sauveur.

Seigneur ! Je t’aime ! Ces paroles ont un retentissement particulier pour tout chrétien, parce qu’elles expriment de manière suggestive, synthétique et sincère ce qui se réalise dans la célébration de la liturgie. Nos célébrations peuvent paraître ennuyeuses et lourdes lorsqu’elles se réduisent à n’être que des animations pour une assemblée, une mise-en-scène pour des spectateurs passifs, lorsqu’au lieu de favoriser la rencontre et le cœur-à-cœur entre Dieu et l’homme, elle peine à s’élever et à élever les âmes, les cœurs, les intelligences, qu’elles ne sont finalement tournées que vers elles-mêmes. Or, le culte public de l’Eglise n’est rien d’autre que cela : Dieu qui manifeste et donne son amour par la grâce, les hommes et les femmes qui le reconnaissent, le reçoivent, y consentent, rendent grâce et expriment à leur tour, à leur mesure, leur amour à Dieu. Le pape Benoît n’avait pas choisi ce nom par hasard et notamment grâce à la place de la liturgie dans la tradition bénédictine. L’enseignement, l’œuvre et le témoignage du pape Benoît XVI peuvent nous conduire à approcher et comprendre la liturgie d’une manière renouvelée, où le moindre détail, les réalités les plus modestes, nous conduisent à dire au Seigneur, par nos paroles, nos chants, nos attitudes, nos gestes… je t’aime !

Seigneur ! Je t’aime ! Ces paroles expriment encore, de manière singulière ce que fut sa vie de baptisé, de prêtre, d’évêque, de cardinal, de pape… y compris dans ses dernières années de pape émérite. Le saint Curé d’Ars disait que le sacerdoce est « l’amour du Cœur de Jésus ». En effet, être prêtre c’est avoir découvert cet amour pour nous d’une manière particulière, qui nous conduit, comme le disciple bien-aimé, à poser notre tête sur la poitrine du Seigneur, tout proche de son cœur, à être les témoins et les serviteurs de l’amour de ce cœur pour tout homme. Combien ces paroles résument admirablement sans la diminuer, mais en dévoilant toute sa richesse, la vie de Benoît XVI. Assurément, les nombreux prêtres venus du monde entier pour l’accompagner dans la célébration de ses funérailles est une marque de reconnaissance pour ce qu’il a été et ce témoignage de vie de prêtre qui proclame en paroles et en actes : Seigneur ! Je t’aime !

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet